Rechercher
Fermer ce champ de recherche.
Rechercher
Fermer ce champ de recherche.
NEWSLETTER

Plaines d’été est une programmation culturelle à l’initiative de la Direction Régionale des Affaires Culturelles Hauts-de-France. Plaines d’été mobilise des équipes artistiques sur les places de marchés, dans les EHPAD, à l’orée d’une forêt ou en bordure de plage. Tous et toutes réalisent des impromptus durant plusieurs mois là où on ne les attendait pas. CARMEN a suivi ces instants saisissants de rencontre.

Le géant

Il y a des jours où des géants naissent. On n’en dénombre pas moins de 559 rien que dans le nord de la France. Certes, leur courbe démographique a nettement baissé ces dernières années mais oui, il y a encore des jours où les géants naissent. Lorsque ce miracle se profile, un petit vent venu d’Espagne, chargé d’épices rougeoyantes, donne discrètement l’alerte. Chacun·e sait alors ce qu’iel a à faire. Dans une ambiance solennelle, quelques personnes se réunissent pour apporter soin et amour à celui ou celle qui, par la suite, aura la lourde tâche d’incarner les valeurs de l’endroit où la vie est venue l’animer. 

Et si un géant naissait chez vous, quel serait son message ? 

Pour aider à le déterminer, Jérémie Leblanc-Barbedienne et Diane Marissal, du studio artistique appelé Les Canailles, ont mis en place un système à base de propositions de mots et de formes. 

Ces deux artistes visuels travaillent en duo depuis 7 ans. Peinture, collage, expo, le tout en interaction avec le public. « Cela fait partie de notre recherche, » explique Jérémie Leblanc-Barbedienne. Diane Marissal ne pouvait être présente ce jour-là. « Nous intervenons auprès de publics très différents. Nous recherchons la réaction du public avec ce qu’on propose. On fournit des formes et des mots et nous observons le lien qu’ils vont faire avec les deux. Ça rejoint notre thématique entre texte et image. Jusqu’où une forme abstraite peut nous amener dans la narration et inversement. »

Puis lorsque l’on assemble les phrases des différents participant·es, cela forme une sorte de poème, un haïku arrangé. Le poème que dirait le géant.

Ainsi, la naissance d’un géant était annoncée à la résidence pour seniors la MARPA de Saulty le 7 septembre dernier.

Dans un premier temps, les résidentes présentes (oui que des femmes. Car les hommes, il n’y en a pas beaucoup dans la résidence « et ils ne participent jamais aux activités ! Pour en avoir un, c’est dur » se sont exclamé ces dames de concert) semblaient un peu inquiètes de ce qui allait se passer. Seraient-elles à la hauteur de la responsabilité qui leur était confiée ? « On a toujours peur de ne pas bien comprendre… »

Mais, avec son naturel enjoué et solaire, Jérémie Leblanc-Barbedienne a su les rassurer. Et dès que les fameuses cartes avec des mots et des formes ont était déposées sur la table, l’ambiance est immédiatement devenue studieuse et investie. Alors que certaines prenaient le temps de lire, songer, envisager, chercher les meilleures combinaisons, hésitaient à choisir une voie car cela signifiait abandonner toutes les autres possibles, d’autres se sont décidées à la vitesse de la lumière.

« Mes amis et Par ici, j’ai bien choisi ! » répète à plusieurs reprises cette dame, un très large sourire aux lèvres. 
« Je peux avoir cette carte- là ? » demande l’une en montrant une carte du doigt. 
« Mes souvenirs ?! Oooh… » 
« Faut aller de l’avant ! » 
« Oh ben, à nos âges… » 
« Bon, je crois que je n’ai assez (de cartes). » 
« Y’en n’a cor, hein ! » 
« Pfff… Je suis encore en train de chercher. »

Tempête de cellules grises sous cheveux blancs. Et soudain, merveille ! Le poème est apparu, né de toutes les inspirations réunies autour de la table. 

Au coin de la rue, partout se cache l’émoi, la chaleur, le cœur unique battant 
La tête agitée étrangère est construite 
Une question de notre enfance, un effort rougit par l’innocence 
Il y a une carte postale 
Les fleurs poussent à l’envers 
Des visages exquis et poétiques, nous quitterons les souvenirs 
Le regard chargé tremblera 
Mes amis, par ici. 

Puis Jérémie Leblanc-Barbedienne a habillé le squelette du géant des formes associées aux mots choisis. « Oh là là ! C’est magnifique ! Ça va rester là ensuite ? Non ? Oh c’est dommage ! »

Bravant les douleurs de l’âge et le poids de la chaleur caniculaire, les plus courageuses des dames ont fait le tour du géant, installé en extérieur.

« C’est bien fait, hein ! C’est solide en plus. Oh oui, c’est de la qualité. En tout cas, c’était vraiment bien. Oh oui, on s’est bien amusées ! Il nous faudrait un jeu comme ça. Ça fait des phrases que nous, on comprend mais que les autres ne comprennent pas. Jamais on n’aurait cru passer un après-midi comme celui-là ! »

INFOS

Texte et photographies : Gaëlle MARTIN

Date de diffusion : 13 septembre 2023

Compléments

D’autres articles à lire sur le site Plaines d’été

https://plainesdete.fr/

Partager

Dans la même thématique

Association CARMEN

24 rue Jean Jaurès 80000 AMIENS

tél : 03 60 12 34 10

carmen@canalnord.org