Il est 9h45 à Dury quand un attroupement d’une demi-douzaine de personnes se forme devant la mairie. Et ce ne sont pas les fines gouttelettes de pluie qui arrêteront notre groupe de septuagénaires, alors qu’ils s’apprêtent à partir pour 6 kilomètres de randonnée à travers les champs.
« Ça fait trente ans qu’on fait de la randonnée ! » s’exclame Maryse, la leadeuse. Armée de sa cagoule et de ses chaussures de trek, elle ouvre la marche d’un bon pas. « C’est surtout pour se voir, mais aussi se bouger, être dans la nature…» explique l’infatiguable retraitée, aux nombreuses activités bénévoles. Sa voisine Blandine, bonnet rose vissé sur la tête, poursuit : « On prend le temps de regarder les arbres, la nature, les pierres. On apprend plein de choses. » Ici, une fouine, là, un bois avec des cerfs auxquels les habitants donnent des citrouilles, mais aussi une autoroute en contrebas et une station de radio posée sur la colline.
Voila pour le décor. Et les questions environnementales alors ? « La COP28, tout ça, on est dépassées. Ce n’est plus vraiment notre époque », confie Blandine, « Et puis qu’est ce qu’on pourrait apporter nous à notre échelle de petit·es retraité·es ? Être écolo, c’est difficile quand on n’a pas d’argent. Je calcule tout, tout le temps. Le porte-monnaie ne suit pas. » , complète Odile. Dominique, ancien premier adjoint à la mairie est un peu fâché avec les médias qui demandent toujours plus pour la planète aux citoyen·nes français·es : « Ça sert à quoi qu’on fasse tant d’efforts si dans les pays à côté ils ne font rien ? »
« On ne parle pas assez d’écologie au JT »
C’est l’heure de la pause, dans le petit bois attenant à Dury. On sort le thermos de café et après une heure de marche, nos séniors sont toujours plein d’allant. Hélène, 76 ans, a particulièrement apprécié le dernier dossier de Télérama, sur les forêts justement : « On expliquait comment on les protège, j’ai adoré ! » La lectrice de Paris Match, ancienne agente hospitalière, explique que sa sœur, quand elle était encore là, était sa principale source d’information quand elle ne comprenait pas une actu. De son côté, Maryse estime qu’on ne parle pas assez d’environnement aux JT. « Regardez à Castres, ils veulent tout déboiser pour mettre une autoroute, on en a très peu parlé ! » s’insurge-t-elle.
Pour Alain, 72 ans, on n’en parle pas assez bien : « Il y a beaucoup d’effets d’annonce et on est dans une logique de fric. Par exemple, avec la rénovation énergétique, beaucoup se sont fait arnaquer par des margoulins ! » regrette l’ancien archéologue. Lecteur du Courrier Picard « au petit déjeuner », il regrette que la grève de France 3 Région le prive de l’information locale – depuis trois semaines, les journalistes de la chaîne publique dénoncent la surcharge de travail induite par le changement de formule des journaux régionaux.
Dominique, lui, lit de moins en moins d’enquêtes sur l’environnement car ça le met hors de lui de voir que rien ne change. S’il trouve néanmoins que les journalistes font leur travail, il en veut surtout aux décideurs : « Les politiques sont du côté des industriels et de la finance. On révèle, on dénonce, et politiquement ça ne bouge pas. » regrette-t-il, amer. En attendant, la joyeuse troupe est finalement de retour sur le parking de la mairie et parle jardin potager, graines et beaujolais nouveau. Finalement, l’écologie pour eux se joue aussi dans ce qu’on fait pousser chez soi.
Sophie Bourlet, Clémence Leleu et Timothée Vinchon