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« Les jeunes comme nous, on nous demande jamais rien »

On a rencontré une classe de CAP Production et Services en restauration et la seconde Usinage et maintenance. Ils ont imaginé un média qui leur parlerait et qui parlerait d’eux.

C’est la rentrée au lycée Lamarck. Et évidemment, ça traîne un peu des pieds. Pour cette première séance du matin, on rencontre 18 élèves de deux sections différentes, les CAP Production et Services en restauration et la seconde Usinage et maintenance. « Certains iront à Amiens trouver du boulot, mais la majorité resteront à Albert », annonce l’une des professeures. Pour commencer en douceur, on discute des dernières informations qui nous ont marquées, avec l’ambition de proposer un média idéal pour des jeunes du même âge. Samuel, Roulian et Mathis se marrent en se racontant leurs vacances. Et tout de suite une première actualité sort : le premier, fêtard devant l’éternel, devait se rendre à une rave party sous un pont de l’autoroute A1 qui a été interdite au dernier moment. « Les jeunes sont toujours décrits comme des délinquants », râle Gaël qui lui, évoque ces jeunes passionnés de moto et de sports mécaniques, qui sont vite catalogués dans la rubrique rodéo urbain. « On pourrait faire un journal sur la drogue et les soirées », s’amuse Samuel. 

Mais ça n’intéresse pas tout le monde. Dans la classe, il y a les sportif•ive•s – Clara adore le vélo, Lucas et Clément, le football, Noémie, le handball –  et clairement les informations sportives ne peuvent pas passer à la trappe : ce lundi, c’est jour de tirage de la Ligue des champions et les supporters du PSG discutent inlassablement du futur adversaire. Il y a aussi les gamers, pour qui il est inenvisageable de vouloir s’adresser à des jeunes sans annoncer et chroniquer les sorties des derniers jeux vidéos. Warzone 2, FIFA 23, le dernier « Callof« , ça représente la majeure partie de leurs loisirs alors il faut en parler.

Sophie et Clémence interrogent les élèves du Lycée Lamarck d’Albert, le 7 novembre 2022.

Le média idéal, ça semble pas si compliqué à la base, mais finalement, si on veut faire plaisir à tout le monde, on a vite fait de proposer quelque chose qui n’intéresse plus personne. Alors on ressert nos propositions. Déjà, après un micro-sondage pour constater que Facebook n’existe plus quand on a moins de 20 ans, le média sera principalement sur Instagram, Snapchat et Tiktok. « Faut de la vidéo », propose Clothilde, « ça divertit », confirme Batiste. 

On sait aussi ce qu’on ne veut pas voir dans ce média. Tout ce qu’on voit trop et qui stresse, et ce dont nos parents parlent tout le temps : le coronavirus, la guerre en Ukraine, les pénuries… « Et l’inflation ! », glisse Louis, le plus sérieusement du monde. Finalement, on commence à l’imaginer notre média idéal : exclusivement sur Instagram, Snapchat et Tiktok, il sera essentiellement constitué de vidéos, de photos et de voix off. On aurait de l’actualité qui concerne les jeunes d’Albert et ses environs. Face caméra, on aurait une rubrique « J’ai testé telle soirée pour vous« . 

Les élèves du lycée Lamarck parlent de leurs passions et de la dernière information qui les a marqué, le 7 novembre 2022.

« On pourrait aussi parler des jeunes », hasarde Louis. La proposition ne remporte pas tout de suite les suffrages. « Les jeunes comme nous, on ne nous demande rien », répond Gaël. Il faut alors creuser pour imaginer comment on pourrait parler d’eux autrement. C’est pas facile. Batiste a une illumination : et si c’étaient les jeunes qui parlaient de leur vie, de ce qu’ils font ? Allez hop, ça emballe toute la classe. On imagine déjà interviewer Michou. Pas le prince bleu de Montmartre, mais la star du lycée, youtubeur aux 8 millions d’abonné•e•s. Et puis d’autres qui ont réussi et qui « kiffent » leur vie ou leur métier. On arrive au bout des deux heures qu’on a ensemble. On a peut-être pas transformé ces jeunes élèves en grands lecteurs d’infos, on ne lancera pas tout de suite ce nouveau média, mais on a quelques sourires. Avoir discuté de leurs centres d’intérêt, de ce qu’ils aimeraient voir dans un média, de les avoir écoutés plutôt que de les juger, ça a donné de la force à tout le monde. 

Sophie Bourlet, Clémence Leleu et Timothée Vinchon

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