Catégories
Val de l'Aisne (02)

« Je regarde la télé deux minutes, juste pour savoir si c’est la fin du monde. »

Entre le café-tabac PMU Le Vailly’zinc, et le Carrefour Contact, le positionnement du parking que nous a déniché la mairie est tout à fait stratégique. Peu après 9h, des Vaillysien·nes haut·es en couleurs garent Mercedes, vélos ou Peugeot 205, pour gratter un jeu ou faire une petite course. L’occasion rêvée de parler actu.

Angélique est artiste, elle a 42 ans et des papillons colorés dans les cheveux. Pour elle la vie « c’est en rose », s’exclame-t-elle, en dessinant un flamant – rose – sur la caravane. Pour cette optimiste née, les informations font souvent l’effet d’une douche froide. « J’ai envie de faire tomber la télé ! » s’exclame-t-elle. Elle utilise surtout Tik Tok, « je regarde ce qui me parle et je partage ce qui m’intéresse. » Elle a vu la Caravane des médias sur les réseaux et a partagé l’initiative sur ses réseaux. « Ils se passent plein de choses biens sur notre territoire, il faut juste en parler plus » Elle est aussi maman d’un enfant autiste et trouve qu’on ne parle pas assez du handicap, de la détresse des familles aidantes. En remontant dans sa Mercedes, un coupé SLK noir « d’il y a 20 ans », qu’elle aurait voulu rose bien évidemment, elle nous invite à un spectacle de l’acrobate « l’Aviatrice » à Vailly le lendemain. Manque de bol, la caravane ne sera déjà plus là…

Pour Claude, 62 ans, comme pour quatre d’entre eux ce matin-là, l’information qui n’est pas passée inaperçue est le « banquet du président. » À Versailles avec 150 convives, Emmanuel Macron avait reçu le roi d’Angleterre en grande pompe la semaine d’avant. Un comble quand à l’autre bout de la France on se serre la ceinture « surtout pour le carburant ! Les retraites sont trop petites … » Comme de nombreux habitants du coin, il se chauffe avec son propre bois, en essayant de rester suffisamment en forme pour couper des stères et roule au gaz, pour faire des économies. 

Patrice fait diminuer la moyenne d’âge avec ses 38 ans. Il réfléchit un instant avant de nous parler de la guerre en Ukraine, un sujet « qui pourrait nous concerner ». L’info, il la trouve le soir sur France 3 Région et au 19:45 de M6, et ça lui suffit largement. Patrice, en fauteuil roulant électrique voudrait qu’on aborde plus « la question de l’accessibilité » dans les médias. Dans un village comme Vailly, rares sont les commerces équipés de rampes. Mais il vient de passer son permis et n’est pas prêt à passer au vélo, comme le suggère la couverture de l’Union du jour. Une actualité qui l’a marqué sur sa commune ? « Le maire avait passé un message sur Facebook pour demander aux gens de rester chez eux à cause d’une meute de chiens errants. »

Alors qu’on s’amuse de cet étrange confinement causé par des canidés, Arnaud se gare. Malgré les fenêtres fermées, on entend les riffs saccadés d’un vieux Bon Jovi à pleine balle sur l’autoradio. Dès qu’il sort, ses santiags claquent sur le bitume. Intrigué par la caravane, il est heureux de nous offrir un peu de son temps. L’homme, qui travaille depuis 45 ans dans la protection de l’enfance est un grand lecteur d’actualité. Il achète Le Monde de temps en temps pour les articles d’analyse « intello » et Franc-Tireur, car il aime la « confrontation de points de vues » qu’offre le titre. « J’ai quand même l’impression que les médias et les politiques attisent la haine en ce moment » se désole-t-il. S’ils jugent les seconds plus responsables du climat hostile actuel, il trouve que la société dans son ensemble manque de discernement sur certains sujets : « On parle des migrants comme si c’était des cailloux ou des boîtes de conserve qu’on déplace. Où est notre humanité ? » Le rockeur, très sensible au sujet du harcèlement à cause de son métier et de son expérience personnelle trouve tout de même bien que des journalistes s’emparent de ce genre de sujet. « A l’époque de mon collège, évidemment que le harcèlement existait. Et la seule réponse qu’on avait, c’était de tourner la tête. »

On aborde Jocelyne alors qu’elle est en train d’accrocher son vélo à une barrière à côté du camion à hamburgers à l’aide d’un bien maigre cadenas vert fluo. « Je viens après mes courses, mais vous avez trois heures devant vous ? Parce que j’en ai des choses à dire ! » claironne-t-elle. On rigole et on la laisse à ses emplettes. Elle revient tout sourire : « Désolé, je vais être une mauvaise cliente, les médias, je les boycotte parce qu’ils me démoralisent ». Joviale et rigolote, elle n’attend plus rien des journalistes, qu’elle juge apporteurs de négatif. Elle a tout de même un avis sur pas mal de choses. Elle nous avoue regarder BFMTV : « Je regarde la télé deux minutes le matin, juste pour être au courant si jamais c’est la fin du monde. » C’est la réforme des retraites qui a eu raison de ses dernières espérances. Elle fait partie des plus impacté·es, puisque elle pensait avoir sa retraite pleine après avoir « travaillé tout sa vie » avant qu’on lui demande de se remettre au boulot pour plusieurs mois. « Les grands « yaka » [Y’a qu’à faut qu’on, expression désignant les décideurs] nous demande des efforts… Qu’ils commencent par changer leur train de vie » explique-t-elle, désabusée. Après nous avoir souhaité du courage et salué notre espoir de faire changer les choses « parce qu’on est jeunes », elle file en vélo.

Laisser un commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *