Brigitte Gandouin est directrice du Centre Social Rural du Vexin-Thelle depuis cinq ans mais évolue au sein de cette structure depuis plus de vingt ans. Nous souhaitions la rencontrer pour évoquer avec elle ce territoire de 37 communes sur lequel le centre social intervient. Ses mutations tant du point de vue des services que du profil de ses habitants. Rencontre.
Pouvez-vous nous présenter les missions du Centre Social Rural du Vexin-Thelle ?
Nous sommes chargés d’une animation à vocation globale, cela signifie que nous travaillons sur tous les publics, des enfants de 3 ans jusqu’aux séniors. Nous avons plusieurs centres de loisirs, un pôle d’animation jeunesse, un autre concernant la famille avec un travail sur la parentalité, un service insertion, et enfin un pôle seniors.
Nous travaillons en partenariat avec de nombreuses associations du territoire, ou encore avec les enseignants, les élus des communes. Nous intervenons dans les écoles pour faire de la prévention numérique et de la prévention santé. En septembre nous ouvrons une maison France Service, pour de l’accès au droit. Cela va permettre à toute personne qui le souhaite de bénéficier un accompagnement sur les impôts ou sur un dossier retraite par exemple, d’y trouver la personne qui va pouvoir l’aider.
Au fil de votre carrière au centre social, quelle tendance avez-vous pu observer concernant le territoire ?
Tout d’abord, il y a une tendance à la fermeture des services publics. On est depuis plusieurs années un point de relais CAF. La Poste ferme aussi beaucoup de bureaux en ce moment, ils font donc appel aux centres sociaux pour intervenir sur des agences postales communales. Les centres des impôts ferment aussi. Cela déconcerte les usagers. On remarque aussi qu’avec la fermeture des cafés et bars qui s’est accentuée ces derniers temps, ce sont des lieux de rencontres qui disparaissent et ça casse un peu les liens.
On remarque aussi qu’au fil des années, les demandes changent. À l’ouverture du centre, il existait un service d’aides ménagères et d’aides soignantes qui n’existent plus maintenant. Ces services ont été repris par d’autres associations. En revanche, nous avons développé les services pour les seniors et les services numériques. Nous n’aurions pas imaginé cela il y a quelque temps. En fin de compte, on s’adapte aux enjeux sociétaux du moment.
Il faut être lucide : on ne peut pas tout faire. Le but du centre social, c’est de semer des graines, de monter des choses quand on le peut. En ce moment, nous évoquons la possibilité de monter un jardin partagé, un restaurant social.
Quelle est la sociologie des habitants des 37 communes dont vous gérez l’animation ?
Nous avons beaucoup de gens qui travaillent en région parisienne, à Pontoise ou Cergy-Pontoise. Cela implique beaucoup de transport pour rejoindre leur lieu de travail et impacte les activités du centre social. Nous ouvrons par exemple le centre de loisir dès 7h du matin et jusqu’à 19h30 le soir. Cela a aussi un impact sur leurs activités : le samedi c’est les courses, le dimanche c’est le jardin, cela rend difficile les temps de cohésion, de rencontre. C’est pour cela que les brocantes ou les fêtes communales sont des temps très importants. Cela permet aux habitants de se rencontrer, aux anciens de découvrir les nouveaux arrivants.
Depuis la crise sanitaire beaucoup de Parisiens ont acheté. Cela modifie aussi nos usages car ils attendent les mêmes services que dans leur ville d’origine, ce qui pousse au développement de certaines activités.
Pour le reste, il y a beaucoup de personnes âgées, comme partout en France. Nous n’avons pas trop de jeunes car on a des collèges mais pour le lycée c’est déjà un peu plus loin. Les jeunes partent faire leurs études ailleurs. Certains reviennent s’installer au bout de quelque temps lorsqu’ils fondent une famille. Le chômage chez les jeunes c’est aussi un problème, on arrive désormais au niveau national alors qu’avant on était bien en dessous
Certains jeunes adultes (18-23 ans) nous ont confié qu’il n’y avait plus grand chose à faire depuis la fermeture de la maison de la jeunesse…
Je pense qu’ils n’ont pas tort de dire ça. C’est une décision politique qui a fait que le centre a fermé, il n’était plus aux normes. Il a fallu attendre des financements pour créer des postes. On a recruté depuis le début de l’année une référente jeunes et on met en place des activités, mais nous ciblons plutôt les 12-18 ans pour le moment. Mais il est vrai qu’il manque un espace pour ces jeunes là. C’est sûr.
Quel est le plus grand défi du centre aujourd’hui ?
Ce serait de cibler les gens qui en ont vraiment besoin, les personnes dites « invisibles. » Ce n’est pas facile d’aller frapper à la porte des gens en leur disant « on est le centre social on peut vous aider ». Toucher ces personnes, ça oblige de les connaître et on ne les connaît pas toutes. C’est là où les élus doivent prendre le relais. Peut être qu’il nous faudrait un travailleur de rue pour faire du lien, on pourrait peut être travailler sur ce point.
Qui sont ces invisibles ?
Les seniors, certaines familles avec leurs enfants pour tout ce qui est lié à la parentalité. Le centre social est reconnu sur le territoire, on fait plein de choses et les gens le savent. Après ce n’est pas forcément évident de rentrer chez nous et de dire « j’ai besoin qu’on m’aide pour mon enfant ». Ce n’est pas facile, on peut le comprendre. Alors on essaie de les rencontrer par d’autres biais, notamment par les animations dans les villages par exemple.
Les habitants ont-ils plus de mal qu’auparavant à participer aux manifestations que vous organisez ?
Les gens viennent plutôt facilement. Cela dépend des moments aussi. Normalement quand on fait des animations en juillet on a toujours du monde. Là, vu la crise sanitaire, la reprise est difficile, les gens ont peur. Ce n’est pas si facile que ça en ce moment, il faut du temps.
Avant on disait : « les gens ne viennent plus car il y a la télé », maintenant c’est « les jeunes ne sortent plus car ils sont devant leurs jeux vidéos et devant leur téléphone. » Chaque génération a ses travers !
Quel est selon vous, le rôle des médias sur le territoire du Vexin-Thelle?
Pour notre activité en tant que centre social, la presse, notamment régionale a deux rôles : elle permet de nous faire connaitre auprès du public et en relayant nos actions, elle nous sert aussi de vitrine, afin que les financeurs puissent constater ce que deviennent les fonds.
Pour le reste, les médias pourraient faire émerger d’autres problématiques, mettre le doigt sur des sujets dont nous n’avons pas encore connaissance, apporter un nouveau regard sur le territoire. Pour cela, il faudrait que les journalistes soient plus présents, qu’ils viennent plus souvent questionner les habitants. On parle trop peu du Vexin-Thelle dans la presse.
Clémence Leleu, Timothée Vinchon et Simon Lambert