Une douce odeur de solvant flotte dans la salle d’activité de la Maison Pour Tous de Rivery. Sur des assiettes en porcelaine, en touches délicates, un groupe de dames s’affaire à reproduire des fleurs, des motifs et des dessins. Si la précision est de mise, les têtes se lèvent et la discussion s’engage à brûle-pourpoint. L’actualité marquante de ces derniers jours ? L’élection de Miss France bien sûr ! C’est d’ailleurs la Une du Courrier Picard qui trône à l’accueil : « Les Hauts-de-France, terre de miss ».
Pour l’une de nos peintres, l’émission permet de mettre en avant les régions : « J’ai particulièrement apprécié le costume de Miss Picardie ! » La jeune fille de 23 ans était, en effet, affublée de hublots et d’une pieuvre pour représenter 2 000 lieues sous les mers de Jules Verne, écrivain amiénois. Françoise, 73 ans « et des poussières » salue le courage de la gagnante du Nord-Pas-de-Calais aux cheveux courts : « Elle me plaît bien, elle a du caractère ! » salue-t-elle, tout en mélangeant des pigments bleu et brun. Janine, 81 ans, trouve que l’émission diffusée depuis 1955 progresse : « Elles sont plus intelligentes qu’avant. Il est temps d’arrêter de considérer les femmes comme des poupées ! » Ensemble, elles s’amusent à l’idée de mettre en place un concours « Miss Mémère » qui serait composé de vieilles dames.
« Aujourd’hui c’est plus libre, on est plus à l’aise. »
Elles trouvent que les jeunes filles en savent plus qu’elles à leur époque. « À quinze ans, on ne savait pas grand-chose. On vivait dans un cocon, on ne nous disait rien, surtout niveau sexualité » raconte Françoise, qui n’écoutait l’actualité qu’à la radio. Elle raconte ses premières règles : « on disait, “elle a ses fleurs, on va arroser ça !” Mais on ne nous expliquait pas ce que c’était. » Les informations, elle les trouvait auprès de copines plus “délurées”. Élevée dans une école non-mixte, on lui interdisait de regarder ou de fréquenter des garçons. « Ça ne m’a pas empêché de rencontrer mon mari à 15 ans ! » glisse-t-elle avec malice. Malgré le gouffre qui la sépare de la jeune génération accrochée aux réseaux sociaux, Janine s’efforce de parler de tout avec sa petite fille : « Aujourd’hui, c’est plus libre, on est plus à l’aise. »
Tout en peignant leurs assiettes colorées, elles notent que les jeunes filles parlent beaucoup de mode alors qu’à l’époque, c’était « une tenue la semaine, une tenue le dimanche, et un bain par semaine ! » concluent-elles en riant et en retournant à leurs ouvrages.
Clémence Leleu, Timothée Vinchon, Sophie Bourlet