Ce samedi 26 juin, nous prenons la route, direction Airaines. En cette veille de second tour d’élections départementales et régionales, nous nous installons sur le parking de la mairie, en plein centre de la ville. Nous commençons notre journée en allant prendre un petit café allongé et des nouvelles d’Angela et Joël, du bar-PMU « L’hôtel du commerce » qui nous avaient accueilli l’année dernière.
Nous retournons sous notre tonnelle nous abriter des gouttes. Alors que nous grommelons sur cette satanée pluie en juin qui n’aide pas à ce que les gens viennent discuter avec nous, Alain apparaît tout sourire.
« Vous êtes des médiateurs de l’information qui m’aident à décrypter des choses qui seraient plus compliquées à comprendre seul. »
Alain
Sweat trois bandes multicolores, barbe blanche et cheveux en pagaille, ce retraité de l’éducation nationale, est venu faire quelques courses à Airaines avant de repartir pour son village, Le Mesge, à 5 kilomètres de là. Il aime clairement s’informer. Abonné au Monde durant 20 ans, fidèle auditeur des matinales de France Inter, il est tout remerciement et bienveillance lorsqu’il parle de notre métier de journaliste. « Vous êtes des médiateurs de l’information qui m’aident à décrypter des choses qui seraient plus compliquées à comprendre seul. » Ces yeux s’illuminent quand ils nous parlent des écoutes de « philosophe ou d’historiens qui {le} font réfléchir« .
S’il est heureux de cet océan de découvertes, Alain n’en reste pas moins attaché à son territoire et à son village, dont il parle amoureusement. Les regrets n’étant jamais loin de l’amour, ils finissent par faire irruption dans la conversation. « On pourrait faire plus de reportages sur le patrimoine picard. » Il nous décrit sa vieille ferme « qui a plus de 200 ans » et dont les murs de la cave sont gravées de mots d’amoureux : « Les pierres ont été récupérées sur les ruines du château du village » précise Alain. Mais il ne s’arrête pas aux vieilles pierres. « Il faut montrer qu’il y a encore de la vraie vie à la campagne « , sourit-il en nous parlant de la solidarité et des jeunes arrivés il y a dix ans à Le Mesge.
Alors que la conversation se poursuit, Jean-Jacques Stoter s’installe à nos côtés. L’élu départemental rejoint d’abord l’avis de son ami Alain sur les sujets « patrimoine » : « C’est dommage qu’il y en ait uniquement pendant les vacances, quand il faut remplir les pages. C’est important que les gens se rappellent de ce qu’a été la vie d’un territoire où ils vivent. »
© Simon Lambert
Jean-Jacques Stoter, en course pour une réélection au moment de notre rencontre, est surtout venu nous faire part d’une expérience des médias toute récente qui lui reste en travers de la gorge : « Je suis vraiment flatté que le Courrier Picard et France Bleue m’aient déclaré vainqueur à l’issue du premier tour… Sauf que ce n’est pas encore le cas ! » En effet, malgré les 57% de votes en faveur de son binôme, il n’était pas assuré d’être élu. Ses votants ne représentant pas 25 % des votants, le seuil électoral au premier tour, il doit concourir pour le second tour.
S’il en rigole [il a finalement était élu au second tour, avec près de 75 % des voix, ndlr], l’élu dit avoir passé sa semaine à expliquer aux électeurs de se remobiliser au second tour. Il n’en veut pas tant que ça au quotidien régional. Il a constaté la disparition progressive de vrais relais pour ses administrés, les correspondants locaux . « C’est un métier compliqué et ils ont parfois un secteur énorme à couvrir. C’est difficile d’être au courant de tout dans ces cas là… Et le COVID-19 n’a rien arrangé sur cette proximité. »
La discussion se prolonge longuement sur l’action publique, l’importance de l’information et les faibles taux de participation aux élections… Jusqu’à ce que le représentant de l’Etat se rende compte avoir lui aussi fait une petite erreur… Il n’était pas sensé nous parler la veille d’une élection. Un partout, la balle au centre.
Clémence Leleu, Timothée Vinchon et Simon Lambert.