Avoir plus de 80 ans aujourd’hui ça veut dire avoir connu la guerre, la forte croissance, la récession. S’être informé uniquement par la radio, avoir assisté à l’entrée de la télévision dans les foyers, regardé le monde en noir et blanc puis en couleur à travers l’écran. Puis avoir vu internet prendre de plus en plus de place. Les informations sacralisées à 20h, s’étendre sur des plages horaires gigantesques sur les chaînes d’informations en continu. Bref, lorsque l’on est en maison de retraite, on a, dans l’absolu, plein de choses à raconter.
Nous avons donc rencontré une poignée de séniors à la Maison d’accueil et des services d’Acheux-en-Amiénois. Ça a commencé par un café et un petit tour de table où tout le monde a donné son prénom et un passe-temps adoré. Mireille son truc c’est la conduite et jouer de l’harmonica, Claude est fan de la Baie de Somme. Renelle, son commerce de lingerie, c’était toute sa vie. Et Jean-Pierre lui, cause de sa passion pour l’aviation.
Les médias les plus consommés par nos aînés d’Acheux ? La télévision, principalement TF1 et France 3, avec une préférence pour les infos locales. Certains évoquent l’ancienne grande figure du coin, celui qui prenait sa place dans les salles-à-manger tous les midis : Jean-Pierre Pernaut. « C’était un très bon présentateur, il était loin d’être bête », lance Jeanne, suivie par Claude « Il parlait des régions, de leur folklore. Découvrir les coins de France comme ça, ça fait un peu voyager. »
Claude est peut-être celui du groupe qui a la plus grande consommation d’informations, « surtout la politique et les actualités françaises ». Le matin, il écoute France Bleu, puis de temps à autre il allume BFMTV l’après-midi, et lit le Courrier Picard. « Mais avec un jour de décalage, j’ai des amis qui me l’apportent le lendemain après l’avoir lu », glisse-t-il dans un sourire.
Mais c’est surtout lorsque l’on évoque leurs adolescences et leurs souvenirs médiatiques que les langues se délient. On dit souvent aujourd’hui que les jeunes s’informent peu, que les choses ont changé. Alors, nos aînés étaient-ils à la pointe de l’information ados ? Il semble que non. « On n’avait pas le temps. On a commencé à travailler jeune. C’était du lundi au samedi », raconte Claude qui a débuté à 16 ans dans la mécanique auto. « On entendait un peu les informations à la radio qui était allumée sur RTL toute la journée au garage. » Jeanne, elle, se souvient qu’elle préférait lire des bouquins « C’était ma grand-mère qui lisait les informations. Le journal, pour nous, c’était pour les personnes âgées ! » Elle évoque encore sa grand-mère, Antoinette, qui plus tard s’est mise à regarder les informations à la télé « Comme à l’époque on vivait avec les personnes âgées à la maison, ma grand-mère nous racontait les informations à table, si jamais on avait loupé le journal télévisé. On avait des vraies vies de famille. Aujourd’hui les aînés sont souvent loin de leurs enfants » semble regretter l’octogénaire.
La guerre d’Algérie, Grace Kelly et le Tour de France
Et concernant leurs souvenirs médiatiques ? Hélène se souvient qu’elle et sa famille étaient suspendus au poste de radio tous les jours pour suivre l’évolution de la guerre d’Algérie aux informations. « Mon frère Guy était là-bas. Nous étions très inquiets, on écoutait les informations le soir en famille. Il ne pouvait pas nous envoyer de courrier, la radio c’était le seul moyen pour nous d’avoir des nouvelles du front. »
Yvonne, elle, se remémore le Tour de France qu’elle dévorait tous les étés au début des années 1950 en famille. « On suivait le sport et on voyait des endroits de France où nous n’étions jamais allés » Pour Claude, un de ses premiers souvenirs télévisuels, c’est le couronnement de la reine Elisabeth. Jeanne, elle, se souvient avoir suivi avec attention le mariage du prince Rainier avec Grace Kelly. « C’était encore rare d’avoir la télé à l’époque alors les enfants des voisins venaient à la maison pour pouvoir la regarder avec nous. »
Les aînés d’Acheux ne sont pas très friands des réseaux sociaux, seul Claude est sur Facebook, où il suit un peu l’actualité mais surtout les publications de sa petite fille qui est guide-conférencière. Des réseaux pas si indispensables, car comme le rappelle Jeanne, « Si on veut les informations du tout venant et les nouvelles du quartier, il suffit de discuter avec les voisins ! »
Sophie Bourlet, Clémence Leleu, Timothée Vinchon