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« On aimerait qu’on nous pose des questions », paroles des gens du voyage à Longueau

Entre le regard des voisins sur Facebook et les clichés véhiculés par des reportages télévisés ou sur TikTok, Francky et Jimmy, installés sur l’aire d’accueil des gens du voyage de Longueau, dénoncent le poids des stéréotypes qui collent à la peau des gens de leur communauté.

Sous un ciel chargé et alors que la pluie fine de l’automne picard s’arrête enfin, nous arrivons sur l’aire d’accueil des gens du voyage du Bois des Roses à Longueau. Des enfants bravent le mauvais temps, pédalant avec enthousiasme sur leurs vélos, mais les autres semblent être restés bien au chaud. Deux femmes nous conseillent d’aller installer la caravane au fond de l’aire sur un emplacement libre.

Alors que nous avançons entre les caravanes, Jimmy, 15 ans, vient à notre rencontre. Il engage timidement la conversation, curieux de savoir ce qui nous amène sur l’aire. On lui explique la démarche de l’association et notre périple pour rencontrer des habitant·es partout dans les Hauts-de-France pour leur demander comment ils et elles se sentent représenté·es dans les médias. Il dit ne pas regarder la télé ni s’intéresser à l’actualité. Rapidement, il nous parle des vidéos de Niglo Levrai, très populaires sur TikTok et YouTube. S’il trouve intéressant qu’on puisse découvrir le quotidien d’une partie de la communauté des voyageurs, il trouve que l’influenceur renforce un cliché de violence facile chez les gens du voyage. 

On continue à discuter. Contrairement à ce que l’on pourrait imaginer, il a passé une grande partie de sa vie sédentaire. « On a vécu 9 ans dans une maison. On attend un terrain à Cagny depuis un an. » Il est content de se retrouver sur l’aire. « On y croise du monde ».

Francky, son père, nous rejoint. Il s’adosse sur le capot d’une caravane. L’homme de 43 ans est artisan, comme son père avant lui. « Ça allait mieux pendant un temps, mais ça recommence, des gens nous traitent de ‘voleurs de poules’ », pose-t-il tout de suite. Il avoue être lui aussi un peu détaché de l’actualité et surtout avoir décidé de ne plus faire attention aux jugements négatifs sur les gens du voyage dans les médias. “Il y a régulièrement des émissions qui racontent n’importe quoi” concède-t-il tout de même. Il cite une émission récente de M6, [l’émission Capital du 13 octobre 2024 intitulée Débrouille, combines et fortune : révélations sur l’argent des gens du voyage, NDLR] en se désolant que les fantasmes autour de l’argent soient encore en prime-time à la télévision. Lui et son fils Jimmy, 15 ans, tous les deux pas mal branchés sur TikTok, ont pu apprécier les retours très déçus, voire énervés de la communauté. 

Des chercheurs et militants, tels que William Acker, ont mis en lumière les biais médiatiques. Dans son ouvrage Où sont les gens du voyage ? aux Editions du Commun, Acker dénonce la ségrégation spatiale et l’antitsiganisme. Il a analysé pendant un mois l’ensemble de la production de la presse écrite sur les gens du voyage. D’après ses calculs, 90 % des articles sont négatifs, relevant du fait-divers ou relatant des installations illégales ou des dérangements de voisinage. 

« On aimerait qu’on nous pose des questions, qu’on montre aussi qu’on travaille, qu’on a une vie comme tout le monde », renchérit Francky. Car le problème, estime le quadragénaire, c’est que ces raccourcis et clichés influencent leur intégration sociale. « Quand on travaille, nos clients ne savent pas qu’on fait partie de cette communauté. S’ils l’apprennent, c’est foutu. » Francky déplore les jugements implicites et petites phrases au détour de discussions banales sur l’actualité locale. Sur internet, il navigue aussi parfois dans les “groupes de voisins” qui le désolent. Les habitants manquent de discernement et d’ouverture d’esprit selon lui. Les inquiétudes non fondées sont souvent des raccourcis plein de préjugés : « Quand il y a des vols, ça arrive vite à dire ‘Ah, ça doit venir de l’aire d’accueil‘. »

Pour finir, on vous conseille la lecture de l’article de La Revue des Médias qui raconte la prise de conscience croissante et les efforts entrepris par certaines journalistes pour mieux comprendre et refléter les réalités complexes des gens du voyage, tout en évitant de véhiculer des stéréotypes tenaces.

Sophie Bourlet, Clémence Leleu et Timothée Vinchon

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