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« Grâce au centre, j’ai trouvé une deuxième famille »

Ils s’appellent Joseph, Karima, Rolande, Marie, Robert et Marie-Thérèse et sont bénévoles au repair café ou au couture repair, des ateliers menés au centre social Georges Brassens situé en plein cœur du Plateau Rouher. En guise d’introduction, certains se définissent comme « spécialiste poule », d’autres précisent que « sans le café, impossible de commencer à « repair » quoi que ce soit ». Ils démontent, trifouillent, remontent, réparent, cousent, ourlent, patronnent. Mais après quelques minutes de conversation, on se rend vite compte que ce qui les lie est bien plus qu’une histoire de mains habiles.

À Brassens, ils ont tous trouvé la pièce qui a complété leur puzzle. « Grâce au centre, j’ai trouvé une deuxième famille », explique Karima. « J’ai fait de belles rencontres et tous les jours j’apprends. » Robert, lui, a trouvé une « deuxième maison ». Après des périodes de maladie ou de repli, Marie, Marie-Thèrese et Rolande ont retrouvé l’étincelle « J’étais enfermée chez moi, je ne sortais plus. Au début je suis venue ici pour les cours d’Internet et en un sens je ne suis jamais repartie. Ça m’a remis du baume au cœur », confie Marie-Thérèse.

Karima et Joseph © Clémence Leleu

« Ma famille était à La Réunion, je me suis retrouvée seule chez moi. Je ne sortais que pour faire le marché. Un jour je suis entrée et les choses ont changées », complète Marie. « C’est simple, le bénévolat c’était loin de moi. Une autre vie. Moi j’ai fait 37 ans et demi de mer », lance Joseph. « Quand ça s’est arrêté, je me suis retrouvé seul, veuf. Je me suis pointé il y a 3 ou 4 ans. Tous les gens sont sympas, je ne les connaissais pas alors que ça fait 52 ans que j’habite Creil. Je regrette de m’être engagé si tard. Je suis plutôt timide on va dire. » Depuis Joseph, s’est trouvé une place, a instauré ses rituels : chaque jour il pousse les portes du centre, salue les équipes, jette un œil aux poules, s’occupe des espaces verts. Et c’est lui qui veille sur l’institution quand la majorité des gens partent en vacances en août.

Raconter le quartier

À eux six, ils connaissent le quartier comme leur poche. Ils l’ont vu changer, se transformer, faire les gros titres de la presse pour délinquance, trafic de drogue et visites ministérielles. Alors on leur a demandé de le décrire et voici un petit florilège de leurs réponses, attrapées à la volée, dans une conversation ou tout le monde a mis son grain de sel mais surtout s’est écouté.

« Ce qui manque c’est des commerces. Avant il y avait un fleuriste, une librairie, une bijouterie, un Prisunic.. »

« À entendre les médias, c’est le coupe gorge ici »

« Peut-être qu’il faut quand même pas faire trop le con »

« Vous parlez à une personne qui vit en Bretagne en lui disant « je suis de Creil », elle vous dit direct « Quoi ? Tu vis dans ce coin pourri » alors que Creil c’est loin d’être ça »

« C’est que du blabla, c’est pas Chicago ici. Qu’on aille à Paris, à Brest ou à Quimper, la délinquance elle est partout

« Ici c’est la diversité, les gens nouveaux,  les anciens, la solidarité »

« Il faut se faire une opinion soi-même. C’est pas les Bisounours mais il y a plus de chaleur humaine que d’inconvénient »

« On est oublié des politiques »

« On dirait qu’on est en famille »

« Il n’y a pas beaucoup de villes qui ont autant d’assos »

« Le centre il permet de resserrer les liens familiaux. Il nous oblige à penser à nous en tant que femme aussi. On n’a pas cette habitude. Nous ne sommes pas que des mamans, nous sommes aussi des femmes. »

Rolande, Marie, Marie-Thèrese, Robert, accompagnés de Nathalie en charge notamment des atelier sophrologie © Clémence Leleu

Le Plateau Rouher dans 10 ans ?

Et puis on leur a aussi demandé d’imaginer leur version rêvée de leur quartier. Ce qu’ils aimeraient qu’il soit dans 10 ans.

Joseph aimerait voir le quartier plus vert, « il faudrait végétaliser un peu partout. Avec les températures qui augmentent, avec tout ce béton, les petits chiens ne peuvent plus marcher sur les trottoirs, il n’y a pas assez d’ombre. »

Rolande aimerait que l’on pense plus aux enfants. « Qu’il y ait plus de jeux, plus de culture. Tout se passe à La Faiencerie, c’est un super endroit mais les familles d’ici n’y descendent pas. Il faut faire connaître aux jeunes autre chose que le bitume. »

Robert lui est catégorique : « Je voudrais qu’à 22h il n’y ait plus de bruit. Entre les voitures, les motos, les discussions dans la rue, si j’arrive à fermer l’œil à 1h du matin j’ai de la chance ! »

Enfin, Marie-Thérèse a rêvé en grand, elle souhaite, pour le Plateau, un téléphérique qui relierait le quartier à la gare. « Quand on relie les deux à pieds on est HS. Alors oui il y a la passerelle Mandela qui est censé simplifier les choses mais il reste quand même les escaliers, les pentes. C’est un trop grand périple quand on prend de l’âge. »

À la fin de la discussion, à les voir échanger entre eux, on comprend qu’effectivement, une famille s’est créée. Et pas seulement entre les murs du centre. « On s’écrit par message sur nos groupes, on se tient au courant, on prend des nouvelles », se réjouit Rolande. A la rentrée, Marie prendra le large, elle rentre à La Réunion, retrouver sa famille, accompagnée de son mari. Mais tout est déjà prévu : ils se passeront des coups de fil, elle continuera la couture et tous s’imaginent déjà la retrouver sur les plages Réunionnaises.

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