Après avoir admiré les premières neiges sur les terrils d’Oignies, c’est au centre culturel le 9-9bis, au milieu d’une exposition interactive dédiée à l’histoire des femmes des mineurs, que nous rencontrons Déborah Adoh. Elle est journaliste et depuis le début du mois de novembre et jusqu’à fin mars, elle est en résidence Contrat Local d’Éducation Artistique (CLEA) de journalisme dans l’agglomération d’Hénin-Carvin.
Chaque année, trois artistes et deux journalistes accomplissent une résidence-mission de 4 mois qui leur permet de mener des projets, d’organiser des rencontres, d’effectuer des performances, aux côtés des acteurs de la culture et de la jeunesse (professionnels de la culture, enseignants, animateurs, éducateurs, médiateurs, travailleurs sociaux, professionnels de la santé, etc)
Pendant quatre mois, Déborah va construire des projets avec des structures et des habitants, jeunes et moins jeunes, pour décrypter la fabrique de l’information, ouvrir le dialogue et créer des contenus médiatiques. L’objectif, questionner le regard que l’on porte sur le territoire, ses dynamiques et ses habitants, dans le cadre de projets d’éducation aux médias qui agissent sur le sens critique. Nous lui avons posé quelques questions.
Salut Déborah, peux-tu nous parler de ton parcours ?
Je suis journaliste depuis quatre ans. J’ai fait l’école du journalisme de Lille (ESJ) filière journalisme de sport en 2018/2019. J’ai fait pas mal de stages dans l’audiovisuel, à RMC Sport à la RTBF, etc. Et finalement j’ai progressivement fait de plus en plus de presse écrite au début en presque quotidienne régionale à la Voix du Nord notamment. Le covid est passé par là, et après m’être essayée au journalisme indépendant, j’ai lancé mon média, Endémik, en 2020. L’idée, c’est de faire des reportages avec des citoyens, les impliquer dans la fabrique de l’information, de la sélection des sujets au montage vidéo. Les objectifs, recréer du lien social entre habitants et de la confiance entre journalistes et citoyens.
Comment te retrouves-tu en résidence de journalisme au 9-9bis ?
Impliquer les citoyens, c’est quelque chose d’important pour moi, et je me suis dit que c’était essentiel à faire à Hénin-Beaumont, terre du Rassemblement National. Depuis que j’ai commencé à travailler, je vois la défiance envers les médias. J’ai postulé à l’appel du 9-9 bis et je vais maintenant avoir quatre mois pour écouter ce que les habitants d’Hénin et des 13 communes environnantes ont à dire. Nous allons travailler ensemble sur les sujets qui les intéressent sur le territoire : l’écologie, le sport mais sous un angle un peu différent en mettant par exemple en avant le handisport le sport féminin.
Pourquoi est-ce important que les habitants se réapproprient le récit de leur territoire ?
Si les habitants sont très conscients du passé industriel du bassin minier, les histoires personnelles, celles des grand-pères et des grand-mères ne sont pas toujours racontées. Parfois, il y a des tabous aussi dans des familles. On sait qu’untel était mineur, mais on n’en parle pas. Pour les plus jeunes, les outils journalistiques peuvent permettre de savoir poser les bonnes questions. On est également sur un territoire où les habitants ont vu passer beaucoup de journalistes de médias nationaux, pour parler encore et toujours du RN. Ils ont envie de parler d’autres choses. Il faut savoir par exemple que l’agglomération est un grand territoire de sport. Ces clubs ont souvent une histoire car ils étaient liés aux mines.
Tu vas travailler en collaboration avec des artistes. Allez-vous faire des projets communs ?
Nous allons en faire quelques-uns. C’est l’occasion de travailler à des formats plus originaux que ce qu’on peut proposer habituellement dans le journalisme. Sur l’un des projets, pour les 110 ans de l’école Jules Ferry de Dourges, je vais d’abord travailler avec des CM2 à la recherche d’archives de documents sur l’histoire de l’école. Puis, Francesca di Bonito, photographe plasticienne, va prendre le relais et ajouter du textile sur les photos. Enfin, Freddy Chattuas, rappeur, va créer des sons basés sur ceux des harmonies des quartiers de mineurs. Tout ça permet à la fois de parler du territoire en s’emparant de bout d’histoire et d’apprendre à des jeunes à produire l’information.
Vous pouvez retrouver les productions des journalistes qui se sont embarqués dans l’aventure sur le territoire depuis 2018 sur le Blog du CLEA. Vous y découvrirez notamment la “radio des ados” de Jihane Bergaoui ou encore les reportages sur scène de Sidonie Hadoux
Clémence Leleu, Sophie Bourlet et Timothée Vinchon