Après une journée d’écriture, nous prenons la route de la Maison Familiale et Rurale de Beauregard reconnue pour sa filière équine. Notre premier atelier : une rencontre avec une classe de première Conduite et gestion d’une entreprise hippique. Dans la salle, située en surplomb du centre équestre de la MFR et de l’hippodrome de Clairfontaine, sont rassemblés dix élèves aux projets professionnels variés : groom, équithérapheute, cavalier jeunes chevaux, assistante vétérinaire… Avec toutefois un point commun, ils ont tous fait le choix de l’apprentissage. Ils passent donc deux semaines par mois chez leur employeur et deux autres en cours.
Comment s’informent-t-ils ? Pour la plupart sur les réseaux sociaux, notamment Facebook, ce qui tranche avec nos précédentes rencontres où les jeunes lui préféraient Snapchat ou Instagram. La télévision aussi reste un de leurs principaux canaux d’information. S’ils la regardent peu à l’internat, ou alors uniquement pour les grandes occasions comme les élections ou les discours du président sur les mesures sanitaires liées au Covid, elle est très souvent allumée chez leurs parents. Un des deux garçons du groupe, Timothée, confie qu’il s’informe aussi sur SkyNews, une chaîne d’information en continu, « ça me permet de travailler mon anglais et ils parlent beaucoup d’informations internationales, plus qu’en France. »
Les critiques envers les médias français sont nombreuses, notamment à l’encontre de BFM et CNews. « Les sujets sont bâclés », « ce n’est pas assez développé », « on a vraiment l’impression que les journalistes radotent » lancent les élèves, qui n’hésitent pas à changer de chaîne quand ils ont l’impression de ne rien apprendre.
« Parfois on ne comprend pas tous les mots. Dans Le Parisien ça va, mais dans Le Monde et tout c’est même pas la peine on comprend rien », râle Camille.
Vient alors le moment de dessiner les contours de leur média idéal :
- un média pour les 13-25 ans
- diffusé à la télévision par le biais d’une émission de 30-45 minutes maximum par jour « après ça fait trop on a pas le temps »
- Avec une déclinaison sur les réseaux sociaux, mais seulement par le biais d’extraits
- L’émission est présentée par un homme et une femme
- Passent à l’antenne des reportages bien fouillés, avec un langage clair pour les jeunes, pour q’ils comprennent bien les enjeux de chaque sujet. Il y a aussi des discussions, avec des spécialistes jeunes et vieux, mais qui ne tournent pas à l’affrontement « comme sur BFM sinon ça sert à rien ».
- Les sujets : international, lutte contre le sexisme et le harcèlement, écologie, métiers du cheval.
- Un média gratuit « payer pour s’informer, c’est fou quand même. Ça veut dire que si t’as pas d’argent tu peux pas être informé ! » se désole Timothée. Mais alors comment financer la gratuité ? Par un mélange entre les aides de l’état, les cotisations des plus aisés et la publicité, « comme ça on est jamais bloqué totalement ».
L’après-midi, nous rencontrons cette fois les élèves stagiaires de 1ère Bac Pro Conduite et gestion de l’entreprise hippique. Alors que nous discutons des derniers sujets d’actualité qui les ont marqués ces dernières semaines, un élève nous interpelle : « Est-ce que le confinement « étrange » est une information ou une opinion ?« . Les questionnements sur la presse sont nombreux face à la cacophonie médiatique qu’a impliqué la rentrée scolaire en période de reconfinement.
Les attentats de Vienne, Avignon, Conflans font partie des sujets qui ont marqué les jeunes. Choqués par ceux-ci, les jeunes ont cependant du mal à se rappeler les faits et informations qu’ils ont sur ces événements. Et de vives critiques à propos des chaînes d’informations émergent rapidement. « Ils vont voir tout le monde et donnent des informations pour leur live sans vraiment les vérifier » estime Arthur, originaire de Crépy-en-Valois dans l’Oise, où il a vu les journalistes déferler sur la ville car elle avait été l’un des premiers foyers de contagion de la pandémie en mars dernier. « Ce sont des mythos » râle même un camarade. La discussion se poursuit et les remarques fusent : manque de fiabilité, ambiance délétère et criarde sur les plateaux, les chaînes d’information en continu n’ont définitivement pas la côte.
La télévision reste malgré un média qu’ils apprécient : les journaux télévisés des chaînes principales sont plébiscités. La plupart des élèves les regardent en famille, la chaîne variant en fonction du choix des parents : TF1, France 2, voir les journaux régionaux de France 3. Les informations qui en sont issues sont estimées fiables et permettent même à certains de s’assurer qu’une actualité qu’ils ont vu sur les réseaux sociaux dans la journée est « importante ».
Les jeunes se sentent par ailleurs absents des médias et des sujets d’actualités ou tout au mieux mal représentés. « On met tous les jeunes dans le même panier, alors qu’on est pas tous des « wesh-wesh » ou des « barakis« », s’indigne Chloé. Ils aimeraient que les journalistes prennent le temps d’aller à la rencontre des jeunes des différents territoires pour rappeler les particularités de chacun. « On a tous des histoires qui peuvent être intéressantes » ajoute sa voisine de table.
Leur média idéal, disponible sur Instagram et articulé principalement autour de vidéos courtes, parlerait de ces jeunes-là (de 15 à 25 ans) et des enjeux qui les touchent : une rubrique avenir traitant de l’écologie, de la nature, de la sensibilisation à ces sujets ou encore une rubrique autour des questions de genre de l’égalité filles / garçons et de l’intime. Il accorderait en outre une place bien plus importante aux informations positives, qui selon eux n’existent presque pas dans la presse…