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Val de l'Aisne (02)

« Un qu’on regrettera toujours, c’est Jean-Pierre Pernaut »

À la médiathèque de Bucy-le-Long, les seniors du club des Quatre Saisons nous ont parlé des cheveux blancs dans les médias, d’actualité qui va trop vite et de décrochage du numérique.

Ce mardi après-midi, comme tous les mardis qu’il pleuve ou qu’il vente, le club des Quatre Saisons de Bucy-le-Long prend possession de la salle polyvalente de la Maison pour tous. Au programme, belote, scrabble mais surtout « parlote », s’amuse l’une des membres. Dès 13h30, une petite foule arrive, et on doit vite bouger la caravane qui mord sur la place réservée aux personnes handicapées, pour que quelques participantes puissent se garer au plus près.

Les séniors dans les médias

Quand on annonce qu’on va causer des médias, de l’actualité et de comment on y est représenté ou non, l’audience est partagée. René, 84 ans, le seul homme présent, semble n’avoir qu’une hâte, démarrer sa partie de Scrabble, dont il est le « compteur de points ». D’autres comme Alix, jeune retraitée qui tenait une maison de la presse ou Étiennette, 85 ans, sont ravies : elles en ont des choses à dire.

Pour lancer les discussions, on a ramené quelques titres de la presse locale et nationale. C’est la une de Pleine Vie,  » le magazine des jeunes séniors qui préparent et donnent un sens à leur retraite  » qui fait réagir en premier. On y voit une femme d’une quarantaine d’années tout au plus, au sourire Colgate. « On est si belles avec nos cheveux blancs et nos cannes, les journalistes sont formatés pour montrer uniquement la jeunesse » se désespère Alix. Paule renchérit avec une anecdote de ce qu’elle a constaté dans le coin : « Pour le coup, avec le COVID, les dames n’ont pas pu sortir faire leur couleur et depuis on assume plus les cheveux blancs. » Pourquoi les médias oublient les seniors ? Les théories fusent dans un drôle de brouhaha. « C’est du jeunisme » entend-t-on à l’une des tables. « Peut-être que c’est pas assez porteurs économiquement » à une autre.

Une information qui va trop vite

Le club du mardi est pour la plupart des présent·es une seule des très nombreuses activités de la semaine de ces séniors aux agendas de ministres. On vient s’y détendre, et on cause souvent de l’actualité « L’information, si on peut pas en discuter, voire se disputer, c’est pas très marrant », s’amuse Yvette, 94 ans. Elle est abonnée au journal local, l’Union depuis 1948. Et en 75 ans, elle a vu évoluer son canard. « Il s’adapte aux gens. Ils ont moins de temps qu’avant pour le lire. » Sa copine Alice confirme : « Il y avait beaucoup plus de pages avant. » Comme à la maison de retraite, on commence à regarder le carnet du jour, « pour vérifier qu’on est pas dedans » et pour y lire le nom d’ami·es qu’on avait perdu de vue.

Même si beaucoup sont abonné·es, la presse pèse de plus en plus cher sur les maigres retraites de nos ancien·nes. La télévision et la radio sont les deux autres incontournables. Marie-France, 75 ans, écoute France Info dès 4h30 le matin, pour une à deux heures. Puis elle coupe parce qu’elle a des choses bien plus agréables à faire, « comme (s’)’occuper de (s)on jardin. » Elle ne retrouve les informations que le soir avec le JT « pour corroborer » les actualités importantes. Paule a un mot pour l’idole picarde des JT : « Un qu’on regrettera toujours, c’est Jean-Pierre Pernaut »

Étiennette est branchée sur BFMTV, mais ça l’énerve : « Ils rabâchent toute la journée la même chose. À croire que c’est un disque. » Le constat est partagé : trop d’informations, « tue l’information ». « On nous parle tellement d’inflation en ce moment qu’on en peut plus. On a compris, on le voit déjà au quotidien, il y a beaucoup moins de choses dans le Caddie. » explique Alix, qui se veut philosophe : « On en oublie qu’on a de la chance que beaucoup de choses aillent bien dans notre pays. Faut pas se voiler la face, on doit parler des problèmes bien sûr. Mais parlons aussi de ce qui va de temps en temps ! »

La rupture du numérique

Les écrans connectés désolent un peu nos aînés. Et alors que des cours d’initiation à l’informatique ont lieu en même temps que notre rencontre, ils ont l’impression d’avoir loupé le coche. Dans l’audience, beaucoup n’ont pas de smartphone ou ne s’en servent que pour être en lien avec leurs enfants et petits-enfants trop éloigné·es. Très peu se servent d’ordinateurs à la maison. Car comme dit René, 84 ans, « Ca va quand même bien plus vite d’appuyer sur la télécommande pour allumer la télé. » Pour Marie-France, le problème est bien plus large. Elle nous parle de ses impôts, qu’elle doit déclarer en ligne, ou de la sécurité sociale où on lui demande ses identifiants et mots de passe. « Le numérique est arrivé très vite. En 20 ans, il s’est immiscé partout, se désole-t-elle, Et ça a laissé des gens sur le carreau. »

Pour conclure l’atelier, on propose à nos retraité·s d’aller écrire sur la caravane les sujets dont on parle trop et les sujets qu’ils aimeraient voir plus dans les médias. Alix n’hésite pas : « Mettre à l’honneur le petit peuple et les retraités. »

Sophie Bourlet, Clémence Leleu et Timothée Vinchon

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