Catégories
Caps et Marais d'Opale (62)

Au PMU de Lumbres, « on entend des énormités quand on est derrière un comptoir »

Notre périple cette semaine commence à Lumbres. C’est ici que nous avons choisi de nous installer pour rayonner entre Saint-Omer, la “petite Venise du Nord” et les plages de la Côte d’Opale. Au bar PMU Aux Trotteurs, nous sommes allés prendre le pouls du patelin.

Commune de 3 500 habitants du parc naturel régional des Caps et Marais d’Opale, Lumbres est à la fois une bourgade verdoyante avec ses marais et berges de l’Aa, le plus petit fleuve de France, mais aussi un petit bassin industriel. Au cœur de la commune, les immenses cheminées de la cimenterie et la papeterie assurent les emplois de pas mal d’habitants. Après s’être assuré un emplacement au marché du vendredi auprès de l’adjoint au maire chargé de l’animation du territoire, nous nous rendons de bon matin au bar-tabac Aux Trotteurs. Situé sur la place de la mairie, son accès est compliqué par la réfection complète de la place.

C’est Elodie, employée du PMU depuis trois ans, qui nous accueille. Elle a grandi ici. Elle fait partie des rares qui sont restés après les études. « On a l’école, le collège pour les villages alentours, mais à partir du lycée, on part à Saint-Omer et après on revient plus. » La jeune femme de 37 ans, qui jouait au babyfoot aux Trotteurs ado, se désole en pensant avec nostalgie à sa jeunesse. « Il y avait facile 15 cafés à l’époque. Maintenant, on est presque les seuls. » Marcel, qui sirote son vin blanc, le confirme : « On venait pour avoir les nouvelles du village. Untel a fait ceci, untel a fait cela ». Le bistrot est devenu le repaire incontournable pour celles et ceux qui veulent partager un verre après le travail, parier sur un cheval ou simplement croiser des visages familiers. C’est également là que certains viennent lire leur édition quotidienne de La Voix du Nord, le journal régional.

Le nom du bar évoque aisément les courses hippiques et le sport, deux thèmes qui captivent particulièrement la clientèle. « Moi, ça ne m’intéresse pas. Ça arrive qu’on me demande sur quel cheval miser, je dis le 12, et il n’y a que 10 partants », s’amuse la jeune tenancière. Elle lit peu le journal. « À ma place, on est au courant de plus de choses que la Voix du Nord, parfois même des choses qu’on préférerait ne pas savoir. » Les débats enflammés sur l’actualité ne sont pas rares et Elodie préfère rester neutre, même si elle n’en pense pas moins. « On en entend des énormités quand on est derrière un comptoir de bar. Vous savez, j’ai une clause de confidentialité dans mon contrat. »

Dans l’établissement, plusieurs sujets ont occupé les quinquagénaires et plus qui composent la clientèle ces derniers mois. La réforme des retraites a tendu, entre ceux déjà partis qui y voient un intérêt, et ceux qui triment encore qui se désespèrent d’y arriver. Marcel, ancien instituteur de 78 ans, s’intéresse surtout à l’actualité politique et nationale. « Moi, j’ai été marqué par De Gaulle. A l’époque, on écoutait religieusement la radio » Robert, est un ancien de la cartonnerie. À 70 ans, il vient au café uniquement pour le tiercé. Il reçoit la Voix du Nord tous les matins dans sa boîte aux lettres et regarde le JT tous les soirs. « Ils accordent trop d’importance à ce qui n’en vaut pas la peine, aux affaires louches, aux faits-divers », peste-il. Rien ne vaut les actualités sportives explique celui qui se régale du Tour de France. Marcel, qui se dit optimiste, s’interroge sur ce qu’offrent les journalistes comme informations. « Pourquoi on ne va pas voir de temps en temps ce qui va ? »

Les travaux de la place constituent l’autre attraction du moment. La ville semble être en pleine reconstruction en ce début d’été. L’accès au café est coupé ici et là par des pelleteuses et autres engins de chantier qui s’affairent à rénover la place. Ça fait pester Élodie, qui déplore la baisse de fréquentation due à ces aménagements. Robert lui est philosophe : « Lumbres, je l’ai vu se construire et se démolir, et se reconstruire encore. » Élodie est plus inquiète que lui. Malgré son mari à la cartonnerie, une industrie qui ne va pas si mal à Lumbres, elle sait que la ville n’arrive plus à se rendre attractive : « C’est dur pour les bourgades comme ici, il faudrait en faire plus pour donner envie aux jeunes de rester. On a même pas réussi à avoir un « city stade » pour qu’il s’occupent. »

Sophie Bourlet, Timothée Vinchon et Martin Gallone à la photographie.

Laisser un commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *