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« Pour les médias on est des voleurs de poule »

Dimanche début d’après-midi, place de la Foulerie, Chaumont-en-Vexin. Alors que les enceintes crachent le dernier tube de Dua Lipa, les auto tamponneuses, tout comme les chaises en plastique installées autour de la piste, attendent patiemment d’être occupées par des jeunes survoltés et des parents fourbus. Quelques mètres plus loin, les canards multicolores flottent, immobiles, ne craignant presque plus les cannes à pêche. « C’est très calme. La fête est finie. La mairesse de la commune nous a autorisé à rester encore un peu mais il y a beaucoup moins de public qu’avant » concède Michelle.

Michelle ? C’est 46 ans de fête foraine à Chaumont-en-Vexin, où elle règne en famille. Elle, aux auto-tamponneuses pour les enfants, son fils sur la version adulte et les jeux gonflables, et sa fille sur la pêche aux canards. « Je suis une fille de forains, et mon mari aussi. Depuis au moins quatre ou cinq générations », explique-t-elle. En 46 ans, elle est une des témoins privilégiées des changements plus ou moins perceptibles des villes et villages, mais aussi des habitudes du public. Tout comme de certaines choses qui semblent rester immuables : la mauvaise réputation qui leur colle à la peau en tant que forain.   

Fête foraine a Chaumont en Vexin, le 18 juillet 2021. © Simon Lambert.

Sur les villages tout d’abord : « Avant, les communes avaient un programme des festivités et c’est de moins en moins le cas. Les gens se retrouvent moins dans les cafés ou sur les places de villages. Maintenant, la plupart sont transformées en parking, donc c’est impossible de nous y installer. » Le public ensuite : « Les jeunes sont moins intéressés par la fête. Ils sont souvent sur leur téléphone, ils peuvent venir aux environs des manèges pour profiter de l’ambiance mais sans décrocher le nez des écrans », regrette Michelle. « Mais même les adultes se déplacent moins. On a un peu perdu le sens de la fête. »

Un sens de la fête aussi éprouvé par la pandémie, qui a contraint les forains à l’immobilisme pendant de long mois. En ce 18 juillet, Michelle n’en est qu’à sa première fête de l’année, elle qui avait auparavant un planning rempli de février à début janvier, sur un territoire compris entre Gisors, Chaumont-en-Vexin et Argenteuil. « Mon fils a dû travailler chez un transporteur pendant le confinement pour pouvoir nourrir sa famille. Nous avons reçu des aides en tant que commerçants ambulants, mais cela couvrait surtout les frais liés aux assurances et à l’entretien des manèges qui s’abîment plus vite quand ils ne sont pas en fonctionnement. »

Fête foraine a Chaumont en Vexin, le 18 juillet 2021. © Simon Lambert.

Se défaire d’une réputation tenace

Concernant la mauvaise réputation qui précède caravane et manèges, Michelle se sent immédiatement obligé de préciser : « Je suis foraine de manèges. Mes enfants ont été à l’école comme tout le monde. Et je ne vis pas dans une caravane à côté de mes auto tamponneuses. » Pourquoi une telle précision ? « Parce que les gens ont toujours tendance à croire que l’on vit dans des roulottes, sans électricité, avec des enfants en rupture scolaire. »

Selon elle, les médias ont leur part de responsabilité dans cette étiquette qui peine à se décoller de leur front. « Les médias ne parlent quasiment jamais de nous. Pour eux, nous sommes des voleurs de poules. On parle de nous dans les médias, alors que l’on ne voit jamais de journalistes. Nous, on est des gens comme tout le monde. Et on est là pour travailler, pas pour créer des histoires. » De son côté, Michelle s’informe surtout sur les informations régionales, « c’est important de savoir ce qu’il se passe chez nous », alors elle allume France 3 région. « Avant je regardais la 15, mais ça passe en boucle, on finit par tout connaître par coeur. »

Michelle évoque également ses petits-enfants, dont deux viennent d’avoir le bac. Leur conseillerait-elle de reprendre sa vie faite d’itinérance ? « Je leur conseillerais plutôt de faire des études. Je veux qu’ils fassent ce qu’ils ont envie. La fête foraine ce n’est plus comme il y a 50 ans, on ne sait pas ce que ça va devenir, alors il faut qu’ils puissent se débrouiller autrement si besoin. »

Pour relire le carnet de voyage de la Caravane des médias saison 1 dans le Vexin-Thelle, c’est par ici !

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