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Bassin minier (62)

« Bouge ton bassin », raconter le territoire avec la danse

Ce soir, c’est la première de Bouge ton bassin, un film réalisé pour les 10 ans de l’inscription du Bassin minier au patrimoine mondial de l’Unesco.

Alors que thermomètre affiche -5°C, que les terrils et les chevalements ont été engloutis par la nuit, une foule compacte se presse au Mégaphone, la salle de spectacle installée sur l’ancien site minier du 9-9 bis de Oignies pour la première du spectacle. Au fil des scènes, les habitant·es des sept agglomérations du Bassin racontent l’histoire du territoire par l’intermédiaire de la danse, avec l’appui notamment du Ballet du Nord. Un projet au long court qui a débuté en janvier 2022, qui s’est poursuivi au printemps avec des ateliers de création dans les différents territoires. Enfin, en juin et juillet, les participants ont été mobilisés pour le tournage sur les sites emblématiques du Bassin minier. 

On s’est invité à la projection et avant que les habitant·es ne découvrent le résultat final de leur travail, on est allé les questionner sur la manière dont l’art permet de raconter  différemment un territoire et de se réapproprier son patrimoine. Qu’est-ce qu’il se joue quand les mots cèdent la place aux corps, et qu’il est plus question de contact humain que de trouver les mots justes ?

Didier © Timothée Vinchon

Didier, 64 ans, Oignies “Bouge ton bassin c’est un autre moyen de ne pas perdre la mémoire de l’Histoire”

J’adore mon bassin minier. J’ai toutes mes racines ici. Et j’habite à 400 mètres du site. Je l’ai vu en activité. Je l’ai vu s’arrêter. C’est génial de lui redonner encore un nouveau souffle avec ce projet”, confie Didier. Pour lui, la danse permet de ne pas le stigmatiser. Et lors évidemment quand il a entendu parler de Bouge ton bassin, il s’est tout de suite porté volontaire, même s’il ne connaissait – au début – personne. “L’art et la culture, c’est une opportunité à saisir. C’est présenter l’histoire des gens qui sont issus des houillères, de perpétuer aussi celles des traditions comme la Sainte Barbe, la Sainte Catherine, les harmonies, les majorettes. On ne va pas vivre sur des cendres. C’est un territoire auquel beaucoup de gens sont attachés. Bouge ton bassin, raconter le territoire avec la danse, c’est un autre moyen de ne pas perdre la mémoire de l’Histoire.

Pour Didier, aucun doute, le bassin minier pour lui, c’est un ballet. Une danse lancinante avec des pointes de vigueur. Mais un ballet d’opéra un peu revisité, où les danseurs porteraient des tenues de mineurs et déploieraient un chorégraphie ouvrière. 

Marie-Pascale, Gilles et Lydie © Timothée Vinchon

Gilles, 46 ans, Annay-sous-Lens “J’ai rencontré la danse avec ce projet” 

La participation de Gilles à Bouge ton bassin, c’est avant tout une histoire d’amitié. Le directeur de la mission du bassin minier est un de ses amis et quand il lui a dit qu’il avait besoin de bénévoles pour participer au projet, Gilles s’est tout de suite porté volontaire. Même si, jusqu’à présent, la danse n’avait jamais été son truc. “J’ai rencontré la danse avec ce projet. Ça m’a vraiment transporté” raconte le quadragénaire qui, depuis cette expérience, prend des cours de danse à Lille. Selon lui, ce projet et cette chorégraphie charrient les valeurs essentielles du bassin minier, “Bouge ton bassin c’est l’entraide, la solidarité, mais aussi l’énergie, la sincérité et la générosité.” 

Selon Gilles, si le bassin minier devait être une danse, ce serait : “une danse de contact, où l’on se rapproche, où l’on se côtoie« 

Marie-Pascale, 66 ans, Arras, “On a tous partagé la même chose”

Marie-Pascale et la danse, c’est une longue histoire qui dure depuis 40 ans. Elle participe régulièrement aux activités du Ballet du Nord, et ce projet, c’était pour elle l’occasion d’être en contact avec d’autres personnes, de vivre ensemble, d’être à l’écoute des uns et des autres. “C’était très sympa de nous réunir, on a tous partagé la même chose”, explique l’arrageoise. “utiliser la danse, cela permet de raconter le bassin autrement, de le mettre en valeur de manière poétique.”

Pour Marie-Pascale, si le bassin minier était une danse, ce serait, “une danse contemporaine, une danse où chacun peut exprimer sa manière de ressentir. La danse contemporaine laisse place à une pluralité d’interprétations.” 

Lydie, 66 ans, Arras, “En tant que fille de mineur, c’était une évidence”

C’est par l’intermédiaire de Marie-Pascale que Lydie a rejoint le projet, et même si elle ne danse pas habituellement, il n’en a pas fallu beaucoup pour la convaincre. Et pour cause, Lydie est une fille de mineur. “J’ai habité pas loin d’ici, dans un coron. Alors c’était une évidence, un bonheur”, raconte-t-elle. Lydie a apprécié elle aussi le fait d’être ensemble, de créer un projet commun, qui permet de donner à voir le Bassin minier autrement. “Moi la chanson Les Corons, je n’en peux plus. Cette chanson, c’est que le noir. Alors qu’ici c’est aussi plein de couleurs, plein d’énergie. C’est important qu’il soit montré comme ça et c’est ce qu’il se passe avec la chorégraphie que l’on a dansé.

Selon Lydie, si le Bassin minier était un type de danse, il serait une polka. “Déjà parce que je suis Polonaise, mais aussi parce que cette danse c’est plein d’énergie, de rire. C’est tout ce à quoi j’ai goûté enfant.

Israe et Djazia © Timothée Vinchon

Djazia 48 ans et Israe 17 ans, Douai. “Danser avec les lampes, c’était faire revivre les mineurs”

Pour Djazia et Israe, Bouge ton bassin c’est avant tout une aventure familiale. La mère et la fille ont souhaité y participer pour vivre un moment en commun mais aussi en apprendre davantage sur l’Histoire du lieu. “Danser ensemble ça nous fait une petite activité mère-fille. Ça nous fait des souvenirs ensemble”, raconte l’adolescente, “Et puis ça m’a permis d’en apprendre plus sur le Bassin mais autrement que dans les livres.” 

J’ai trouvé que la chorégraphie représentait bien le bassin et puis, danser avec les lampes, c’était comme faire revivre les mineurs. C’était émouvant”, se remémore Djazia, qui compte bien participer aux futurs projets du Ballet du Nord. 

Si mère et fille sont d’accord sur le bonheur d’avoir partagé cette expérience ensemble, elle ont deux visions différentes sur la danse que pourrait être le bassin : pour Israe, ce serait de la pop “c’est vivant et ça bouge ! ». Pour Djazia, le bassin serait plus une danse orientale, “avec des gestes amples, doux, et la gestuelle des lumières dans le noir”. 

Clémence Leleu, Sophie Bourlet et Timothée Vinchon

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