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À Larouillies, une histoire de frontières

Si on parle géographie et démographie, Larouillies, c’est un petit village de 248 habitants, dans le département du Nord, et plus précisément dans l’arrondissement d’Avesnes-sur-Helpe. C’est après que les choses se corsent, car comme l’explique Deny : « À 100 mètres d’ici on est dans l’Aisne et ce n’est plus du tout la même chose. » Alors on pourrait croire qu’il s’agit juste une frontière géographique, devenue presque obsolète depuis que le Nord, le Pas-de-Calais et la Picardie ont fusionné en une seule grande région Hauts-de-France, mais il n’en est rien. 

Deny, Dominique, Maxime et Marie-Claude, tous les quatre membres de l’association Larouillies Patrimoine, qui organise une vente de livres d’occasion afin de financer des réparations dans l’église du village sont déjà unanimes sur un point : les gens du Nord sont plus sympas, « dans l’Aisne, c’est beaucoup de potins ». Bon, on pourrait à la limite mettre ça sur le compte d’un léger chauvinisme. Mais au fil de la discussion, on se rend compte que vivre aux confins d’un territoire, à deux pas d’une frontière même symbolique, crée des problématiques que les habitants d’autres villes du Nord ne vivent pas forcément. 

« Larouillies était déjà à la frontière entre le royaume d’Espagne et celui des Pays-Bas au Moyen-Âge, ça doit être aussi un vestige de ce temps-là », explique Maxime.  « Ça pose des vrais soucis au niveau de la circulation de l’information et de la communication », souligne Dominique. « On ne sait pas ce qu’il se passe au village d’à côté. Il y a comme une frontière psychologique, notamment par rapport à la vie culturelle », poursuit-elle. « Par exemple, on ne reçoit pas les publicités pour les manifestations comme la foire aux fromages de La Capelle ou encore la bourse aux pièces », abonde Marie-Claude. 

« Les infos on en a par-dessus la tête »

Alors comment Deny, Dominique, Maxime et Marie-Claude s’informent-ils ? Déjà, pas par l’intermédiaire de la télévision. « Ils nous enfument à la télévision, alors on ne la regarde pas. Les infos on en a par-dessus la tête », explique Marie-Claude. Un avis partagé par le reste du groupe.  « Après de toute façon c’est simple, si tu veux commencer ta semaine déprimée, t’écoutes BFM TV ! », ajoute Dominique. Même désintérêt pour la presse locale. La Voix du Nord, le Courrier de Fourmies ou encore L’Observateur ne remportent pas les suffrages. En cause ? De mauvaises expériences vécues avec les journalistes venus couvrir des événements dans la commune : « Les propos sont souvent déformés, ils ne donnent que les détails qu’ils veulent donner. Ils ne retranscrivent pas exactement ce que l’on dit », explique le groupe. Alors lorsqu’un événement a lieu, ils se passent de la presse pour en faire la promotion : « On communique nous même. On prévient directement les gens sur notre page Facebook ou on les prévient par SMS, puisqu’à chaque manifestation on demande aux visiteurs s’ils acceptent de nous donner leur numéro de téléphone », explique Deny. 

Leur préférence va soit aux radios locales comme Canal FM, ou, pour Deny et Dominique, aux radios étrangères, notamment Radio Canada ou Classique 21, une radio belge. « Ils ont une façon d’annoncer les informations moins triste et plus objective que les médias français », analyse Dominique. « On apprend plus de choses sur radio Canada sur la France que sur les radios françaises, les informations sont plus intéressantes, plus pointues » complète Deny.

Larouillies Patrimoine recueille depuis quatre ans des livres d’occasion (de la part de bibliothèques ou de dons de particuliers) et les proposent à la vente lors de deux évènements à Pâques et à la Toussaint, lorsque le Covid ne s’en mêle pas. Forts d’un fond compris entre 70 000 et 90 000 livres, ils utilisent les fonds récoltés pour mener des travaux patrimoniaux dans le village, notamment dans l’église. Ils ont déjà refait le pavage du chœur il y a deux ans et les prochains travaux sur la liste sont les vitraux et l’autel. Ensuite, viendra le tour des oratoires. « Si on ne le fait pas, la commune ne va pas le faire par manque de moyens. Et comme nous y sommes attachés, nous nous sommes mobilisés », explique Deny avant de préciser qu’il est « un enfant du village », même s’il reconnaît être parti un temps « de l’autre côté ». Comprendre : dans l’Aisne. Un détour de 100 mètres consenti entre ses 5 et ses 23 ans. Depuis, il est revenu : « C’est le village le plus au sud du Nord, alors on est sûr qu’il y fait toujours beau ! » 

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